J’ai environ 16 ans. Je découvre la poésie de Prévert, d’Aragon et le texte de Kalil Gibran sur les enfants, que je recopie encore et encore de ma plus belle écriture. Je recopie aussi les poèmes de Prévert et d’Aragon et je commence à en écrire. Ils parlent d’amour entre deux êtres. J’écoute Ferrat, Moustaki et les quatre saisons de Vivaldi mais aussi Cats Stevens, Léonard Cohen et Ray Charles. Leurs chansons nostalgiques parlent à mon âme et m’apaisent. Je gratouille sur ma guitare ; je chante des chansons françaises. J’ai pris des cours.

Par un après-midi ensoleillé d’été, je m’évade au milieu des champs pour être seule dans la nature avec la beauté, la poésie, la création. J’ai pris ma guitare et mon cahier de poèmes. Je porte une blouse à fleurs, une longue jupe en jeans et des sabots. Je suis inspirée « Peace and love ». Il fait beau, je m’installe dans l’herbe. Je me sens libre et créative. Tout me semble simple et possible, loin des exigences des tensions, des reproches, des confrontations et de mon désespoir de ne pas être à la hauteur des attentes de mes parents. Je suis dans une parenthèse d’harmonie, dans cette nature que j’aime, qui me fait oublier toutes mes incapacités, qui me fait toucher cette part différente et vivante de moi. Je joue des notes mélodieuses. Je relis les poèmes de Prévert et je m’essaye à la composition de mes propres vers. Je me sens poète, c’est en moi. Plus tard, je veux être écrivain ; cette idée surgit, comme une certitude et j’y crois. J’ai l’impression de découvrir un trésor enfoui et je m’en réjouis. Je veux partager cette nouvelle qui va aussi réjouir mes parents ; j’en suis sûre ; c’est si important. Je ne suis pas une « moins que rien » et je vais enfin pouvoir le prouver… Je quitte cette parcelle de liberté et je rentre à la ferme. En m’approchant, je me sens déjà coupable. J’appréhende les reproches sur ce que j’aurais dû faire ou ne pas faire. Je sens déjà la tâche qu’on va m’imposer pour me remettre sur les rails du faire et de l’utile. Retour à la réalité ; je ne suis pas là pour m’amuser ni pour rêver mais pour travailler. Dans cette famille, nulle place pour les artistes et les intellectuels. On est paysan et fier de l’être. Durant le repas du soir, j’annonce quand même ma grande nouvelle : « je sais ce que je veux faire plus tard, je veux être écrivain (ou, plus tard je veux écrire un livre. Je ne me souviens plus les termes exacts de la phrase prononcée). Je l’ai dit avec conviction, enthousiasme et naïveté. Les réactions ont eu l’effet d’une douche froide. Je n’ai récolté que moquerie. J’ai senti la honte m’envahir. Bien-sûr, comment ai-je pu imaginer pouvoir réaliser pareil rêve. Je ne suis qu’une idéaliste prétentieuse. Je n’ai plus rien dit. Je suis sûrement allée dans ma chambre après avoir fait la vaisselle. Je devais être triste et déçue. Je n’ai rien montré et je sais que je n’ai pas pleuré. Je devais surmonter cette épreuve et redoubler de zèle dans les tâches quotidiennes. Je n’ai plus jamais parlé de mon rêve à personne. Je l’ai enfoui au plus profond de mon être.

Et puis un jour, beaucoup plus tard, dans un cadre bienveillant, alors qu’on me demandait quel était mon rêve d’enfant, il a ressurgi. A partir de là je me suis mise à écrire puis j’ai dirigé un collectif d’auteurs de contes, textes, ce qui m’a amenée à animer un atelier d’écriture durant sept ans, dans le cadre duquel d’autres recueils collectifs ont été édités. J’ai moi-même continué à écrire, contes, nouvelles, poèmes. Un jour j’ai découvert les haïku (petit poème d’origine Japonaise, sans « s » au pluriel) et j’ai adoré ! Je trouvais que rassembler en trois vers de 5,7,5 syllabes la perception très brève d’un instant vécu (en lien avec la nature et les saisons) était un beau défi. Je donc écrit un haïku chaque jour durant une année. Il y a environ deux ans, j’ai eu l’idée de les réunir dans un recueil avec la collaboration de mon amie d’enfance pour les illustrations.

Mon rêve d’adolescente s’est réalisé, du moins en partie. J’ai le sentiment d’avoir honoré un appel de mon être authentique. Le livre s’appelle: « quatre saisons en haïku »

Et toi, quel était ton rêve d’enfant ? Ose-tu l’exprimer, le vivre ? le réalise-tu ?

A propos de l’auteur:

Béatrice Geiser est animatrice d’Ateliers d’écriture créative, poète, amoureuse de la nature et des livres, passionnée par la question de la santé dans sa globalité.
Confrontée à une maladie rhumatismale chronique douloureuse, elle a expérimenté différentes approches de développements personnels et thérapeutiques durant une trentaine d’années.
Aujourd’hui, elle développe la présence, la bienveillance, tant pour les autres, pour la nature que pour elle-même. Rejoindre l’Equipe d’Arbolife a été pour elle une évidence.
Ecrire, en particulier de la poésie, était un rêve d’adolescente qu’elle concrétise depuis plusieurs années et qu’elle souhaite partager.

1 commentaire
  1. Denitza Il y a 6 ans

    Wawoo MERCI Béatrice. Ton article a touché mon âme et Il me fait prendre conscience de pleins de choses. Au plaisir de partager avec toi.

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