Beaucoup de gens sur Neuchâtel et en Suisse romande connaissent Florian Candelieri. Moi-même, je le connais, et en même temps, Florian reste une énigme. Nous le voyons souvent lors d’événements citoyens liés à l’humain mais aussi sur des sujets tels que l’écologie, le véganisme, l’économie circulaire, la politique autrement, le revenu de base inconditionnel, la permaculture, les pédagogies libres, etc.

Du coup, nous le connaissons sans le connaître. Cet entretien pour ArboLife était une magnifique occasion pour faire plus ample connaissance et essayer de dévoiler l’énigmatique Florian.

 

Comment pourrais-tu te présenter Florian ?

Je pourrais commencer par une partie de mon histoire. J’ai 35 ans. J’ai étudié et obtenu un master en archéologie. Après mes études, je me suis rendu compte que la vie était plus belle, plus intéressante et qu’elle ne se limitait pas à l’archéologie. Avec deux amis, nous avons lancé une entreprise dans l’économie collaborative. Nous avons créé une plateforme internet de location entre particuliers. L’idée était de favoriser le partage, la mutualisation d’objets, de les partager plutôt que de les acquérir seulement car cela alimente cette société de la propriété individuelle. Chacun possède son vélo, sa voiture et tout un tas d’objets, qu’il n’utilise en fin de compte que très peu. L’idée de base était de permettre aux gens de partager afin d’accéder à une autre vision du monde que celui dans lequel nous sommes, qui est trop individualiste et séparant pour moi.
Depuis tout jeune, j’observe beaucoup le monde et je suis très curieux naturellement. J’analyse et ai vraiment compris que, pour moi, la propriété individuelle est une sorte de gangrène pour l’humanité.

 

L’idée d’être contre la propriété individuelle était l’une des bases du mouvement de Proudhon et son socialisme libertaire. C’est presque une forme d’anarchisme sans la connotation violente et négative mais plutôt la responsabilisation individuelle sous la forme d’une sociocratie ?

Oui oui, je l’ai découvert à La Chaux-de-fonds, ma ville natale. La région a fortement été imprégnée par ces mouvements ouvriers que l’on retrouve notamment dans la culture chaux-de-fonnière. Je tiens à préciser que je n’ai jamais côtoyé activement ce mouvement et que je ne suis pas contre quelque chose.

 

Cette vision du socialisme libertaire, et tu me dis Florian ce que tu en penses, est-elle galvaudée ? Que c’est plutôt une prise de conscience individuelle qui fait que ni un Dieu ni un Maître ne doivent conduire notre vie. ?

Evidemment, c’est notre relation à nous-même (à être autonome) et à l’autre qui donne du Sens à notre parcours de vie. Ce n’est pas du chaos, bien au contraire. C’est trouver une relation juste, vraie, respectueuse et bienveillante. Nous sommes libres et responsables avec nous-mêmes, avec les autres et dans ce monde.

 

Le mot responsable peut engendrer de la culpabilité, de l’angoisse, car nous restons faillibles, nous avons aussi un droit à l’erreur. La responsabilité n’est-elle pas étymologiquement : capacité à prendre des décisions ?

Oui je parle de responsabilité de toi à toi-même. Nous sommes d’accord.

 

Suite à cette création d’entreprise, que se passe-t-il ?

Nous avons créé cette entreprise il y a sept ans et depuis, je me suis encore plus questionné sur l’écologie, la responsabilité, la vision de notre futur, la décroissance, l’écologie politique. Je me suis intéressé à différentes lectures.

 

Quels sont ces lectures, que peux-tu partager ? As-tu eu une ou deux lectures/livres qui ont marqué et construit ta pensée ?

Alors c’était Arne Naess, un philosophe norvégien. Pour simplifier, c’est le fondateur de l’écosophie, c’est à dire l’écologie profonde. Son livre d’entretien « vers l’écologie profonde » avec tous les questionnements sur sa vie, son chemin vers l’écologie profonde, ces références à la philosophie de Spinoza ont été une profonde prise de conscience. J’ai vraiment eu l’impression de me révéler à moi- même.

 

C’est le fondement de ton chemin, tes actions ?

C’est effectivement cette étape qui a marqué mon cheminement. Suite à cette lecture, j’ai découvert qu’Arne Naess a fait partie des premiers hippies à créer Greenpeace. J’ai décidé alors de m’intéresser à cette association. J’ai commencé à faire du bénévolat avec Greenpeace en participant à plusieurs actions. J’ai énormément appris. Je remercie fortement Greenpeace pour toutes ces années passées auprès d’eux. J’ai beaucoup appris, surtout du côté suisse allemand où nous retrouvons une écologie philosophique qui, je trouve, est très très différente de l’écologie latine.

 

Tu arriverais à les définir ?

Le côté suisse allemand, droiture, rigueur, j’ai presque envie de dire « radicalité ». C’est là que j’ai connu l’écologie la plus radicale.
Grâce à mon activité chez Greenpeace, j’ai appris aussi à ne plus juger. Avec mes origines de fils d’immigré, de père italien et de mère française, je me jugeais comme je jugeais l’autre. Du coup, j’avais aussi des préjugés dans l’écologie. « Ils sont extrémistes ».  J’ai pu voir dans cette radicalité quelque chose de « juste » en fait. Ce n’est pas de l’extrémisme dans le sens séparant. C’est être juste vis à vis du monde, juste avec soi, juste avec les autres, juste avec les animaux, juste avec les plantes.
Ce n’est pas quelques chose de séparant pour moi. C’est plutôt approfondir la question de soi pour se rapprocher de sa Vérité. C’est comme ça que je le vois. Cette impression d’être en Vérité avec soi.

 

Si je peux te reprendre et tu me dis si cela résonne pour toi. Dans les Évangiles, nous retrouvons plusieurs fois cette occurrence « En Vérité en vérité, je vous le dis… » L’étymologie hébraïque renvoie la vérité à « Etre en cohérence avec soi » ?

C’est exactement ça. C’est lors de cet apprentissage de ma vérité que j’ai eu mes premiers questionnements sur l’alimentation, sur la santé. Je me suis dit « Ah, oui, c’est possible de manger autrement, de ne plus manger d’animaux ».

 

Pourquoi ne plus manger d’animaux ?

Car avec ma prise de conscience, je ne voulais plus déséquilibrer, endommager, aggraver une situation qui, de mon point de vue, est problématique. J’ai pu me rendre compte que durant mon enfance, mes parents m’ont forcé à manger des produits laitiers, du fromage et c’est vraiment quelque chose qui ne me convenait pas. Ce n’était ni bon ni sain pour moi en tout cas.
Voilà résumé mes premières années d’éveil à une autre conscience. C’est de là qu’est venu mon activisme pour un autre monde. Je peux ainsi me nourrir à quelque chose d’autre, de différent et qui me rend heureux. Tout cela s’est accéléré avec tout un tas de projets alternatifs comme : les incroyables comestibles, le Sel, les monnaies alternatives, l’économie du don et les questionnements sur l’économie et sur la politique. Je me suis aussi interrogé sur : qu’est-ce que je nourris en utilisant des francs suisses ? Une monnaie nationale ? Qu’est-ce que nous nourrissons dans cette idée nationale ? Je suis suisse. Qu’est-ce que cela veut dire ? En creusant, je me suis rendu compte que cela était des illusions. Nous sommes tout simplement des êtres dans un univers de vie perpétuel, de création perpétuelle et que le fait de dire, moi je suis suisse, toi tu es étranger, c’est encore des trucs séparants qui sont inutiles à entretenir et à nourrir.

 

Pourtant, dans ce monde de mutation, de grand changement, nous pouvons constater qu’à l’inverse cette notion d’appartenance à une région, une nation devient de plus en plus présente voir vindicative ?

Oui, car le monde change profondément. C’est à cause de la peur que l’on essaie de s’accrocher à une identité. Pour moi, au fond, rien ne sert d’avoir peur, le changement fait partie de la vie. Il suffit d’accompagner la vie et le changement.

 

Comment nourris-tu cette partie de toi ?

Depuis cinq ans, je participe à beaucoup de projets où je me sens véritablement à ma place, où mon action peut être positive, notamment des projets comme ArboLife ou différents autres projets comme les « repair café » (cafés- réparations), les marchés gratuits, des événements autour de la convivialité. J’ai lu le bouquin d’Ivan Illich « La convivialité » et cela a contribué à mes actions comme les disco-soupe avec l’AED ( l’association étudiante durable)  : nous récupérons des légumes bio et nous organisons à Neuchâtel une énorme soupe avec de la musique disco. L’idée est de recréer du lien social, du partage entre les gens, de permettre de créer les conditions pour se redécouvrir nous-même et l’autre. Cela me nourrit et me fait du bien.

 

Tu parles du lien social. Que penses-tu de tous ces réseaux sociaux internet numériques ?

C’est super intéressant parce que j’ai créé moi-même une plateforme informatique. Je me suis questionné aussi sur ce sujet car je fais partie de cette génération ou nous avons été les premiers à suivre des cours d’informatique à l’école. Vers mes 10 ans, je baignais dans cet univers. Pour moi, c’est un outil, je suis clairement conscient que pour beaucoup de gens cela peut être plus et je vois clairement le risque : se perdre dans cet outil. J’ai envie de dire que l’humain se facilite la vie mais aussi se perd dans ces outils. Pour moi, la société industrielle est un symptôme de l’humanité qui s’est perdue dans le « faire », dans l’outil. Le concept du « faire » sert pour produire afin que les gens bossent sans savoir pourquoi ils le font, simplement comme un automatisme.

 

Le « faire », comme tu dis, peut nourrir, occuper les gens et diminuer de sorte la peur du vide, de l’angoisse vis-à-vis du monde, de la mort ?

Pour moi, cette angoisse est simplement le fruit d’une méconnaissance. Plutôt que d’essayer de cacher ou camoufler cette angoisse par « je fais sans me poser de questions » après je ne dis pas que c’est facile (rires). Se poser face à soi, rester seul face à soi, se questionner, je ne vois pas comment être heureux sans passer par cette étape-là. Le vrai bonheur réside là pour moi, et non pas ce bonheur matérialiste d’aller faire du shopping le samedi.

 

Yuval Noah Harari, dans son dernier livre « Homo deus », parle de cette recherche à tout prix et sous toutes ses formes du bonheur. Quitte à en perdre son humanité. Il fait la remarque que, même si les conditions humaines s’améliorent, les attentes individuelles s’envolent. N’est-ce pas une erreur, un fourvoiement terrible ?

Pour moi, c’est la plus grande illusion, c’est que cette quête insatiable est destructive. Le bonheur est dans le faire pour autrui. En prenant soin de l’autre, je prends soin de moi. Dans des pays plus pauvres économiquement, cette notion du bonheur est plus réelle et vécue que dans nos pays occidentaux.

 

C’est l’Amor forti dont parlait Nietzche, l’amour de son destin sans tomber dans le fatalisme, savourer l’instant présent sans hédonisme et suivre une discipline de vie. C’est autant du Carpe Diem que de la pleine conscience ?

Moi j’en suis convaincu, le bonheur ne peut être conditionné. Je parle du bonheur avec un B majuscule. Le bonheur véritable c’est d’être à chaque instant. Le bonheur est dans cette discussion, d’être avec des gens, d’être sur terre, le bonheur de respirer, d’être assis sur une chaise, le bonheur d’être au chaud, le bonheur simple de la vie. C’est aimer la vie pour ce qu’elle est et non pas comme nous aimerions la voir. C’est le problème quand nous pensons trop et que nous sommes dans des attentes. Du coup, nous nous séparons de la vie et du bonheur au lieu de nous en rapprocher.

 

Quand je t’entends parler du bonheur, il y a quelque chose qui me vient tout de suite à l’esprit te concernant, Florian, et qui constitue ta marque de fabrique, ta caractéristique, ton signe distinctif : lorsque tu rencontres quelqu’un de connu ou inconnu, dès les premières paroles et souvent plusieurs fois dans la conversation, tu prononces ta fameuse phrase “tu sais que je t’aime, toi “accompagné du pouce levé ou d’un « hug » ?

En fait, c’est suite à une révélation. Ce qui pose problème dans le monde, c’est cette violence, cette haine. Pour moi, elle vient d’une seule racine, d’une seule cause profonde : le manque d’Amour.
Par cette phrase, j’ai envie de rappeler à chacun que ce qui compte, car j’ai décidé de le faire, c’est l’Amour, la Joie. Au fond, j’aime la vie. J’aime tout le monde. C’est mon crédo de vie.

 

Cela peut être vu comme un côté « bisounours » ?

Pas du tout. C’est comme un soin au monde et à moi en même temps.

 

Un soin à soi et au monde. C’est très joli et profond comme acte ?

Ce mot amour a été tellement galvaudé et interprété. C’est comme pour le bonheur. En fait, le vrai amour est inconditionnel. Je traduis par « ce n’est pas parce que tu fais quelque chose à laquelle je n’adhère pas que je ne t’aime pas »

 

Dans l’absolu, c’est très simple. Dans la vie de tous les jours, plus difficile à mettre en pratique. Chacun a ses valeurs morales qui peuvent nous éloigner de cet amour inconditionnel ?

Pour moi, l’important c’est que chacun se questionne sur ses propres valeurs. D’où viennent-elles ? Est-ce véritablement moi qui l’émet (une valeur), est-ce que cela vient d’un apprentissage personnel ou inculqué par mes parents, ma famille, l’école, la société ?

 

Dans l’absolu, pour vivre cet amour inconditionnel, ne faudrait-il pas abolir la morale ?

Abolir ?? (Rires) Cela sonne bizarrement en tout cas. La questionner, certainement. L’abolir totalement, je ne sais pas. Cet amour inconditionnel demande une forme de développement personnel pour questionner tes propres valeurs.

 

Dans la vie de tous les jours, nous sommes confrontés aux atrocités, la souffrance. Difficile dans ces conditions de pratiquer l’amour inconditionnel ?

Effectivement, c’est toute la question de la souffrance. Pour moi, je la vois comme ce qui permet d’apprendre. Ce qui peut mener à moins de souffrance passe par la compréhension de l‘humanité, de la terre et de l’univers. La souffrance peut mener à la compréhension en ne souhaitant plus souffrir. Je propose d’inverser le paradigme « je répands l’amour, j’apprends et je change ». Ce processus te ramène à toi et me semble adéquat pour dépasser la souffrance.

 

Une phrase dit « quand je cherche à comprendre, j’arrête de juger » ?

Le jugement est séparant et destructeur alors que nous pouvons vivre simplement cette création de vie universelle, cette beauté de la vie, cette chance que nous avons de pouvoir vivre sur cette terre.

 

Alors pour toi, quel serait cette recette du bonheur ? Quel est ce message d’espoir et d’amour que tu transmets ?

De mon expérience, ce que je peux dire de ce qui m’a amené au bonheur, c’est de faire ce qui m’enthousiasme dans la vie. Un vrai enthousiasme. Encore une fois pas un enthousiasme consumériste. Faire ce qui me nourrit de l’intérieur comme quand j’aide quelqu’un. J’ai fait beaucoup de bénévolat avec les requérants d’asile, notamment lors d’activités de jardinage et de permaculture. En aidant, en accompagnant quelqu’un, c’est quelque chose qui me nourrit aussi, qui me comble intérieurement. Je le sens dans mon cœur. Je le sens au niveau de la joie de vivre. Je le sens au sourire de la personne. L’altruisme peut être une vraie source de bonheur.
Je suis allé aider dans des camps de réfugiés en Croatie à la frontière avec la Serbie voici deux ans en arrière. En tendant simplement une tasse de thé, j’offre à ces gens maltraités, déracinés, déconsidérés par la police, l’armée (avec des rapports très violents), un moment de bonheur. C’est certainement un des plus grands bonheurs que j’ai pu vivre, lorsque je vois des sourires sur ces visages. Là, je sens dans mon cœur que quelque chose s’ouvre pour moi. Cela vaut tout l’or du monde.

 

Tu parles d’or, comment fais-tu pour subvenir à tes besoins et vivre dans cette société ?

J’avais fait le choix de créer mon entreprise. Une année après, j’étais déjà dans quelque chose qui ne me convenait plus. Dans quelque chose d’appris. C’était les premiers questionnements sur comment l’entreprise doit grandir, comment l’entreprise doit gagner des marchés, faire de la pub, comment faire évoluer mon entreprise. En résumé, faire du business appris dans ces écoles de commerce.
Je commençais à sentir que cela ne me plaisait vraiment pas. Je ne pouvais plus, j’ai dit STOP. J’ai décidé alors de prendre du recul. Je suis parti en voyage pendant plusieurs mois. Je me suis laissé vivre en un total lâcher prise, être porté par le vent, aller à la rencontre des gens, faire du porte à porte, demander l’hospitalité. Vivre dans ce rapport de gratuité au monde fut vraiment une découverte. Je me suis interrogé sur le comment se connecter aux autres sans un échange d’argent car cela peut créer du parasitage qui transforme la relation.

 

Pour toi, l’argent crée du parasitage sur les relations ?

L’argent transforme la relation en quelque chose de biaisé. J’ai fait du stop, frappé chez des gens pour dormir chez eux. J’ai fait tout un tour d’Europe en trois mois. Dans ce monde, la vie est gratuite. Il n’y a pas d’échange d’argent. Je ne suis pas contre l’argent, nous en revenons à l’outil qui prend la place de l’être. Nous nous laissons absorber par l’outil et nous oublions l’essentiel, l’Amour.

 

Comment cette gratuité s’exprimait ? Quel genre d’échange se faisait ?

D’abord un échange humain, en sortant du moule. Ce fut de grands moments d’ouverture.
J’ai été pour beaucoup une épaule réconfortante pour ces gens rencontrés. Je me suis dit « waouh ! ». Je me suis rendu compte à quel point je pouvais passer à coté de ma vie pour des raisons matérielles avec le « je dois », « il faut ».

 

Est-ce accessible à tout le monde ce genre de parcours ?

Oui c’est accessible à un moment ou à un autre de sa vie, de faire ce genre d’expérience pour se connecter à soi. J’ai pu voir à quel point notre société est triste…

 

Qu’est-ce que cela t’a apporté ? Quels enseignements en as-tu tiré ?

Mes ressentis s’affinaient. J’avais l’impression de mieux percevoir les gens. Quand je parlais à une personne, j’avais l’impression d’être cette personne de l’intérieur. J’ai vécu des moments de pleine conscience. C’est à ce moment-là que la décision de suivre ce chemin et de vivre autrement s’est affirmée.

 

Est-ce que tu as vécu des réactions à l’inverse négative ?

Si tu veux bien, pour moi, c’est la peur qui se manifeste dans l’essentiel de ce que j’ai vécu. Je reviens à l’insécurité. Par exemple, je suis parti pour ces trois mois en Europe avec genre 300 CHF en poche. Autant dire rien. Je me suis vite retrouvé sans rien et là, tu te retrouves face à tes peurs. J’ai notamment passé une nuit avec un sans-abri en Angleterre. Je commence à lui parler pour trouver un plan pour dormir. Il était tard. Il me dit « viens ». Cette personne me mène dans une forêt, de nuit, et là mes peurs reviennent à fond « je vais me faire agresser, me faire tuer, égorger ». En fait, il ne s’est rien passé. Le gars était très sympa, très gentil. Il m’a juste montré un abri un peu plus loin pour que je sois à l’abri car il pleuvait. J’ai passé une nuit protégé des intempéries. Je remarque maintenant que ce genre de peurs, de défiance de l’autre, je ne les ai plus.

 

C’était presque une sorte de voyage initiatique ?

Totalement, au départ. Ces rencontres m’ont ouvert à mon obscurité, qui est juste un endroit non encore éclairé, là où les différentes peurs qui surgissent viennent nous interpeller pour nous permettre de les traverser, les transcender et avancer vers plus d’amour, de joie, de paix, de lumière.

 

C’est très porteur d’espoir car notre société est quand même régie par nos peurs et nos différents types d’assurance nous le prouvent ?

Tant que l’humanité aura peur, tant que nous n’arriverons pas à transcender nos peurs, nous n’arriverons pas à créer un monde de paix, d’amour et de joie. J’aimerais inviter l’humanité toute entière à faire ce revirement, ce saut. Je ne dis pas que c’est facile. Pour moi, c’est un chemin où j’invite chacun à s’y aventurer pour grandir.

 

En tout cas, c’est une très belle philosophie de vie. Cela ressemble à une utopie et cela serait dommage car une utopie reste juste un vœu pieux. C’est une très belle énergie de vie accessible à tout un chacun. Et maintenant Florian pour toi, c’est quoi ta vie au quotidien ?

En outre, c’est pas mal de permaculture. J’essaie de comprendre comment nous pouvons nous nourrir avec une faible empreinte écologique. Je m’interroge sur le monde végétal. Je fais mes observations écologiques. Je fais des tests. Je participe à pas mal d’activités bénévoles pour un tas d’associations. Je fais de la cuisine crue avec ma compagne Mirjam à Graines de Lotus. Les voyages.

 

Quelles sortes de voyage ?

Ce sont des voyages autrement, où je me laisse porter sans répondre à un objectif précis et limité dans le temps.

 

Comme le faisait dire Paul Bowles à son personnage principal dans son livre culte, Un thé au Sahara , « la différence entre un voyageur et un touriste, le voyageur ne sait jamais quand il va revenir » ?

C’est vraiment cela. Je vais dormir chez l’habitant ou ailleurs. Je suis mon ressenti. Je peux autant aller aider une association humanitaire comme par exemple en Colombie, près de l’Amazonie, avec un projet de permaculture. Ensuite aller explorer la région très riche en végétation où il y a énormément à comprendre, à apprendre. Comment cet écosystème fonctionne. Comment les échanges se réalisent entre les arbres, la végétation et les espèces animales? Comment se forment les conditions de cette fertilité ? C’est super intéressant.

 

Il semble que l’un des grands enjeux pour le futur, comme Yuval Noah Harari et son livre « Homo deus » en parle très bien, va être le rapport du vivant avec l’humanité ? Que le contrôle du vivant par l’homme va créer un humain remplaçant « Dieu ». Que la vie va plus se créer dans les laboratoires que dans la Nature ?

Pour moi, c’est le symptôme de la peur, la peur de mourir qui engendre ces technologies. C’est la peur de mourir qui fait que des humains cherchent à inventer des processus pour contrôler le vivant. Cette crainte engendre ce phénomène de « qu’est-ce que je peux faire pour ne plus mourir ou le plus tard possible ». Qu’est-ce que la mort, au fond ?

 

Pour certains, la mort ne serait plus qu’un problème technique à résoudre par une nouvelle technologie. Les techniques régénératives vont s’amplifier. N’allons-nous pas vers un choix entre devenir une tomate hors sol ou être un chimpanzé du futur ?

A mon avis, c’est un risque, sans le voir toutefois comme un risque inéluctable. En cette période de transition profonde, chacun peut faire le choix d’influencer son avenir et celui de la société toute entière par son comportement quotidien. De ce choix-là découlera notre futur. Que puis-je faire pour modifier ce choix, pour nos enfants, pour les générations futures ? C’est là que la peur est vicieuse, elle parasite. C’est cela faire le choix. « Faites le choix de la bonne vibration, d’être connecté, d’être en résonance, au plus profond de vous-même »
J’invite chacun à faire son job car nous pouvons faire de magnifiques choses sur cette terre.

 

Cela pourrait être ta conclusion ?

Oui. C’est très beau, très cool pour terminer.

 

 

A propos de l’auteur

Depuis sa prime jeunesse, Joël Boisbeau s’est toujours passionné pour la spiritualité, l’humanité, les voyages, l’aventure, la créativité, la conscience et les arts.
Il aime partager, faire des rencontres, s’intéresser à des êtres au parcours de vie singulier. L’écriture est un moyen qu’il apprécie pour transmettre, relier et éveiller afin d’apporter du Sens à nos vies.

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