Depuis le temps que l’on me parlait des bienfaits de la méditation! J’avais certes essayé quelques pratiques telles que la sophrologie, la relaxation ou le yoga, mais jamais très sérieusement.
Puis une amie m’a parlé de son expérience lors d’une retraite de 10 jours de méditation Vipassana, en silence, avec un programme assez strict. Il me restait quelques jours entre la fin de mon job d’été et ma rentrée universitaire de septembre, alors je me suis lancé. Après tout, cela ne pouvait que me faire du bien, à moi le faux calme.
Autre argument qui m’a convaincu: il n’y a pas de frais d’admission. Les enseignants, managers, serveurs sont tous d’anciens participants qui donnent de leur temps bénévolement, et les frais (nourriture et logement) sont uniquement financés grâce aux dons de ceux qui ont suivi au moins un cours complet: « Je bénéficie d’un cours grâce à un ancien étudiant, donc je fais un don à mon tour selon mes moyens afin d’en faire profiter quelqu’un d’autre ». Cette philosophie m’a plu.
J’avais quand même de l’appréhension en lisant les conditions, le règlement interne et le programme: 10h de méditation par jour, planifiées entre 4h30 et 21h, pas de communication entre les méditants ni avec l’extérieur (le « Noble Silence »), pas de distraction (lecture, écriture, téléphone, etc), pas de repas le soir à part des fruits à 17h, séparation hommes-femmes, etc. Mais je m’y suis fait très rapidement et ça ne m’a finalement pas du tout dérangé. J’ai aussi été surpris de voir que la grande majorité des 60 participants (30 hommes, 30 femmes) n’avait pas plus de 35 ans!
Qu’est-ce que la méditation?
Cette pratique ancestrale a été découverte il y a 25 siècles par Siddhārtha Gautama, le Bouddha. Entre le moment où il a vécu l’illumination (c’est à dire son éveil spirituel) à l’âge de 35 ans et sa mort à l’âge de 80 ans, il n’a cessé de transmettre cette technique de méditation avec des mots simples, afin que les gens se délivrent de leurs souffrances. « La souffrance est universelle, alors le remède doit être universel ».
Vipassana, en pâli, veut dire « observer la réalité telle qu’elle est ». Pas la réalité telle qu’on aimerait qu’elle soit, mais telle qu’elle est, ici et maintenant. Il n’y a donc pas de rite, de rituel, de croyance, on observe simplement la réalité de l’instant présent.
Chaque début de séance est guidé par un enregistrement (en anglais, puis traduit en français, allemand ou italien selon la date de stage choisie) de S.N. Goenka, un laïc qui a redécouvert cette technique en Birmanie où elle était toujours pratiquée. Il l’a fait renaitre en créant près de 150 centres Vipassana dans le monde et en l’enseignant à des millions de personnes.
Pendant 3 jours, j’ai ainsi pratiqué Anapana, qui consiste à observer sa respiration au niveau des narines afin d’apaiser l’esprit et d’aiguiser sa concentration mentale. Très rapidement, je me rends compte que mon esprit divague souvent et zappe en permanence : il est souvent dans le passé ou dans le futur, mais peu dans le présent. Anapana permet de le concentrer sur la respiration naturelle, que je ne cherche ni à contrôler, ni à modifier avec de grandes respirations. J’inspire, j’expire, j’inspire, j’expire… c’est la réalité de ce moment.
Le 4e jour est enseignée la méditation Vipassana. C’est une technique simple mais qu’il est difficile de comprendre véritablement avec un cours de 10 jours. Avec Vipassana, j’expérimente la réalité de l’instant présent en me focalisant sur les sensations du corps physique. Du sommet du crâne jusqu’aux orteils, je scanne mon corps partie par partie: le cuir chevelu, le visage, la nuque, l’épaule droite, le bras, le coude, etc.
Pour chaque partie, j’observe objectivement ce qui se passe, quelles sont mes sensations physiques en cet instant: picotements, chaleur, transpiration, tension, démangeaison, contact de l’air ou des vêtements, tassement, douleur. Agréable ou désagréable, d’origine externe ou interne, peu importe. Tout ce que j’observe au niveau physique est bon à prendre. Et qu’est-ce que j’en fais? Rien. J’observe et je passe à la sensation suivante. Cependant, si je ressens de l’aversion, de la haine pour les sensations douloureuses, ou de l’avidité pour les sensations agréables, alors je nourris l’inconfort et je crée un nouveau sankara (une sorte de pollution de mon esprit). Si on les alimentent, les sankaras se multiplient, et conduisent à toujours plus de douleur. Un peu comme quand on gratte une piqûre d’insecte: la sensation de démangeaison ne fait qu’empirer. En observant simplement la sensation, le sankara disparait de lui-même.
L’exercice est difficile les premières heures, car me tenir droit pendant une heure est douloureux et désagréable, et je ne suis pas censé bouger les jambes ni les mains, ni ouvrir les yeux, et je dois tenir le dos et la nuque droits. Progressivement les sensations apparaissent, bougent, évoluent, grandissent ou s’atténuent, puis s’évaporent. Je découvre une nouvelle sensation: un ancien sankara, profondément enraciné et qui se manifeste physiquement. L’observer sans réagir le fait disparaître et me rapproche de la libération de la souffrance. J’expérimente ainsi dans mon corps que rien n’est permanent. C’est la loi de la nature « anicca » (prononcer « anitcha »), l’impermanence de toute chose.
Voici un exemple concret. Un matin à 5h, en pleine méditation je commence à me sentir mal. Depuis mon enfance, je fais régulièrement des malaises vagaux (évanouissements), liés à des crises d’angoisse. Les premiers symptômes se manifestent et je remonte me coucher 30 minutes. Cela ne suffit pas à les faire disparaître. Je me dis que ce n’est pas un hasard que cela arrive maintenant, alors que je pratique Vipassana depuis 3 jours. Je me mets donc à observer mes sensations physiques sans jugement et sans réaction. Finalement le malaise passe. Suite à cette expérience, je me suis rendu compte que mon vrai malaise était dans ma tête; en me concentrant sur mes sensations physiques, j’ai cessé d’accorder mon attention à mon angoisse mentale qui était en fait la source du problème.
Selon le Bouddha, la cause de la souffrance à 2 formes :
- l’avidité (on souhaite toujours plus d’argent, de biens, de pouvoir, de reconnaissance, de confort, de sécurité)
- l’aversion / la haine (on fuit nos problèmes, on cache la poussière sous le tapis, on rejette les remarques, on est jaloux, pessimiste, insatisfait etc).
La libération de la souffrance passe donc par un travail sur soi que l’on apprend pendant des temps d’enseignement quotidiens.
Ainsi, ce stage a été une réelle découverte pour moi et je n’ai vraiment pas regretté de l’avoir fait. Au contraire, je suis fier d’avoir tenu jusqu’au bout et j’en suis rentré changé mentalement et physiquement. Je me sens plus calme et serein, je me tiens plus droit et j’ai plus confiance en moi. J’appréhende aussi mon corps et mes sensations de manière complètement différente et je pense que ce stage aura un impact bénéfique sur ma vie.
Je le recommande vivement à tous ceux qui sont prêts à faire ce travail sur eux, afin de s’affranchir de la souffrance, qu’elle soit physique ou psychologique. Cette démarche demande certes des efforts, du courage et de la confiance envers la technique, mais les efforts en valent la peine, car les progrès arrivent rapidement.
De retour dans ma vie quotidienne, j’ai du mal à m’accorder un temps de méditation régulier, mais j’en ressens les bienfaits chaque fois que je médite une heure.
Je fais maintenant face à un dilemme de taille : est-il possible de se passionner pour la permaculture (c’est-à-dire la « culture de la permanence ») et en même temps de méditer sur l’impermanence de toute chose?
Informations et stages de méditation Vipassana:
www.sumeru.dhamma.org
www.mudita.ch
A propos de l’auteur :
David Vieille est diplômé en BSc Systèmes Naturels. Ambassadeur Zero Waste, il organise des cours sur le thème du « zéro déchet » et sur la fabrication de produits ménagers et cosmétiques naturels.
Contact : [email protected]
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